PREAMBULE
Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité
Africaine, réunis en
la 22ème SESSION ORDINAIRE à Addis-Abeba, du 28
au 30 Juillet 1986
GUIDES PAR
- la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine,
- le Manifeste Culturel Panafricain d'Alger (1969),
- la Conférence inter-gouvernementale sur les politiques
culturelles en Afrique organisée par l'UNESCO à
Accra (1975), en coopération avec l'OUA,
- la Charte Culturelle de l'Afrique, notamment au Titre I :
Article 1 (a) et (b), Article 2 (a), Titre III : Article 6 I
(a) 2 (b) et Titre V Articles 17-19,
- le Plan d'Action de Lagos de l'OUA (1980) pour le développement
économique de l'Afrique,
- le Rapport Final (27 avril 1982) de la Réunion d'Experts
de l'UNESCO sur la Définition d'une Stratégie
pour la Promotion des Langues Africaines ;
CONVAINCUS
Que la langue est l'expression de la culture d'un peuple et
convaincus en outre que, conformémént aux dispositions
de la Charte Culturelle de l'Afrique, l'émancipation
culturelle des peuples africains et l'accélération
de leur développement économique et social ne
seront possibles que si les langues africaines sont effectivement
utilisées ;
CONVAINCUS
Que tout comme dans d'autres domaines de la vie nationale, l'Afrique
a besoin d'affirmer son indépendance et son identité
sur le plan linguistique ;
CONSCIENTS
Que jusqu'à maintenant, la plupart des Etats membres
n'ont pas pris les mesures nécessaires pour donner à
leurs langues autochtones, leur rôle officiel légitime
conformément à la Charte Culturelle de l'Afrique,
au plan d'action de Lagos et à d'autres résolutions
pertinentes de l'Organisation de l'Unité Africaine ;
RECONNAISSANT
Que chaque Etat souverain a le droit d'élaborer une politique
linguistique qui reflète les réalités socio-culturelles
et socio-économiques de son pays, et qui soit conforme
aux besoins et aux aspirations de son peuple ;
CONVAINCUS
Que l'adoption et la promotion pratique des langues africaines
comme principales langues officielles de l'Etat dépendent
surtout de la volonté politique et de la détermination
de chaque Etat souverain ;
CONVAINCUS
Que l'adoption et la promotion pratique des langues africaines
comme langues officielles de l'Etat ont certainement plus d'avantages
que l'utilisation des langues étrangères et qu'elles
démocratisent aussi les processus d'éducation
formelle et la participation des populations africaines aux
activités politiques, culturelles et économiques
de leur pays ;
CONSCIENTS
Que l'analphabétisme est un frein au développement
économique, culturel et social des pays africains et
qu'une alphabétisation de masse ne peut bien réussir
sans l'utilisation des langues nationales ;
CONSCIENTS
De l'interaction et de l'interdépendance croissantes
à tous les niveaux de l'activité humaine et de
la solidarité entre les hommes et du fait que la communication
de l'Afrique avec le monde extérieur est inévitable
et doit se traduire par l'élaboration et la mise en uvre
d'une politique linguistique au niveau de chaque Etat souverain
;
CONVAINCUS
Que la promotion des langues africaines, surtout celles qui
dépassent les frontières nationales, est un facteur
vital dans la réalisation de l'unité africaine
;
RECONNAISSANT
Qu'en Afrique, la coexistence de plusieurs langues dans presque
tous les pays africains est une réalité et que
le multilinguisme (maîtrise et utilisation de plusieurs
langues par une personne dans ses relations avec autrui) est
également un fait social important qui devrait inciter
les Etats membres à accorder à la promotion du
multilinguisme une attention particulière dans l'élaboration
de leur politique linguistique ;
SOMMES CONVENUS
D'adopter le présent Plan d'Action Linguistique pour
l'Afrique :
TITRE I : OBJECTIFS ET PRINCIPES
Les objectifs et principes du présent Plan d' Action
Linguistique pour l'Afrique sont :
a) Encourager chaque Etat Membre à avoir une politique
linguistique bien définie ;
b) Veiller à ce que toutes les langues utilisées
à l'intérieur des Etats Membres soient reconnues
et acceptées comme source d'enrichissement culturel mutuel
;
c) Libérer les peuples africains de leur dépendance
excessive vis-à-vis des langues étrangères
comme principales langues officielles de leur pays en remplaçant
progressivement ces langues par des langues africaines locales
judicieusement choisies ;
d) Veiller à ce que les langues africaines, grâce
à une législation appropriée et à
une promotion pratique, assument leur rôle légitime
comme moyens de communication officielle dans les affaires publiques
de chaque Etat Membre pour remplacer les langues européennes
qui ont jusqu'ici ce rôle ;
e) Encourager une plus grande utilisation des langues africaines
comme véhicules d'instruction à tous les niveaux
;
f) Veiller à ce que tous les secteurs du système
politique et socio-économique de chaque Etat Membre soient
mobilisés pour leur permettre de jouer leur rôle
et s'assurer que les langues africaines choisies comme langues
officielles occupent le plus tôt possible la place qui
leur revient ;
g) Encourager et promouvoir l'unité linguistique nationale,
régionale et continentale en Afrique dans le cadre du
multilinguisme qui prévaut dans la plupart des pays africains
;
TITRE II : PRIORITES
a) FORMULATION DE POLITIQUE
Au niveau national, régional et continental, choisir
dans les meilleurs délais un certain nombre de
langues africaines autochtones nationales, régionales
ou continentales viables comme langues *
officielles de l'Etat, de groupements régionaux ou de
l'OUA.
b) APPLICATION ET PROMOTION
Application de la politique linguistique adoptée et incorporation
des langues africaines officielles
dans la vie politique, sociale, culturelle et économique
de la nation.
c) MODERNISATION
Modernisation éventuelle, par tous les moyens nécessaires
des langues africaines locales choisies
comme langues officielles.
d) MOBILISATION DES RESSOURCES
Mobilisation des ressources financières et autres et
de toutes les institutions compétentes en vue de la promotion
pratique des langues officielles choisies.
TITRE III : PROGRAMMES D'ACTION (METHODES ET MOYENS)
Pour atteindre les objectifs définis au Titre I,
les Etats africains s'engagent solennellement à exécuter
le programme d'action suivant :
a) Au niveau continental et comme expression concrète
de la volonté de l'OUA dans ce domaine, adoption le plus
tôt possible des langues africaines comme langues de travail
par l'Organisation de l'Unité Africaine et par les associations,
organisations ou institutions régionales affiliées
à l'OUA.
b) Encourager les associations, les organisations ou les
institutions qui ont le statut d'observateur auprès de
l'Organisation de l'Unité Africaine ou celles qui le
demandent à adopter les langues africaines locales comme
langues de travail.
c) Au niveau régional, adoption par les groupements
régionaux des langues africaines régionales viables
comme langues officielles ou comme langues de travail.
d) Au niveau national, nécessité impérieuse
pour chaque Etat Membre d'élaborer le plus tôt
possible une politique linguistique qui place une ou plusieurs
langues africaines locales largement utilisées, au centre
du développement socio-économique.
e) Pour atteindre l'objectif défini à l'alinéa
(d) nécessité pour chaque Etat Membre de créer,
s'il n'y en a pas, un comité linguistique national ou
le renforcer s'il en existe déjà et ce, pour permettre
l'élaboration d'une politique linguistique nationale
appropriée.
f) Nécessité pour chaque Etat Membre de
donner une importance capitale à l'élaboration
d'une politique linguistique appropriée en accordant
les moyens financiers et matériels nécessaires,
afin de rehausser la ou les langues choisies comme langues officielles
à un niveau de modernisation qui réponde aux exigences
d'un Etat moderne.
g) Compte tenu de l'attitude négative généralement
observée en Afrique vis-à-vis des langues africaines,
il est indispensable que chaque Etat Membre, dans le cadre de
son programme national de promotion des langues africaines choisies
comme langues officielles, mène une campagne systématique
d'éducation ou de re-éducation de sa population
sur l'utilité inhérente ou pratique des langues
africaines pour combattre une telle attitude.
h) Etant donné que le système d'éducation
formelle joue un rôle primordial dans l'utilisation pratique
de toute langue, il est indispensable que chaque Etat Membre
oriente tous les secteurs (primaire, secondaire et supérieur)
de son système d'éducation nationale vers la promotion
pratique des langues africaines choisies comme langues officielles
et que soient réformés les systèmes d'éducation.
i) Comme les Universités, les instituts de recherche
et les autres instituts africains qui s'intéressent à
l'étude et à la promotion des langues africaines
ont un rôle unique à jouer pour que ces langues
entrent dans la vie quotidienne des peuples d'Afrique, il est
nécessaire que ces instituts établissent un équilibre
approprié à l'avenir entre l'étude scientifique
des langues africaines et l'utilisation réelle et la
promotion pratique de ces langues.
J) Conformément à l'alinéa (i) ci-dessus,
il est nécessaire que chaque Etat Membre fasse de ses
universités et institutions nationales un instrument
vital de promotion pratique des langues africaines dans les
domaines critiques tels que la compilation de dictionnaires
techniques ou généraux, la préparation
de manuels sur des sujets d'intérêt, la formation
des professeurs de langues, de traducteurs, d'interprètes,
de personnel de la radio-télévision et de journalistes,
la production de manuels et d'autres types de littérature
qui intéressent la vie de l'africain contemporain ainsi
que l'utilisation de vocabulaires dans les langues africaines.
k) Etant donné que toute connaissance (spécifique
ou autre) se transmet par un véhicule d'instruction ou
de communication qui est une langue connue de l'élève,
il est absolument nécessaire pour chaque Etat Membre
d'adopter dans sa politique d'éducation, comme moyens
ou véhicules d'instruction, les langues africaines locales
qui facilitent le processus d'apprentissage.
l) Etant donné le rôle particulièrement
stratégique que joue dans le développement économique
d'un pays l'alphabétisation de l'ensemble de la population
nationale, et reconnaissant en outre que l'alphabétisation
sera largement facilitée et accélérée
si les langues familières à la population nationale
sont utilisées, il est recommandé aux Etats Membres
d'utiliser dans leurs campagnes d'alphabétisation les
langues africaines autochtones comme véhicules d'instruction.
ADDIS ABEBA (ETHIOPIE)
21-25 JUILLET 1986
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