Les
9 et 10 Février 2004, s’est tenu dans la Salle de
Réunion du Rectorat de l’Université de Yaoundé
1, à Yaoundé (Cameroun) l’Atelier sur le Projet
de Relance du Plan d’Action Linguistique pour l’Afrique.
L’objectif majeur de cet atelier, initié par le Professeur
Alexander Neville, avait été auparavant soumis à
l’appréciation du Président de l’Académie
Africaine des Langues (ACALAN), Mr Adama SAMASSEKOU, des Professeurs
Ayo BAMGBOSE de l’Université d’Ibadan, Maurice
TADADJEU de l’ANACLAC au Cameroun, et Sammy Beban CHUMBOW,
Recteur de l’Université de Yaoundé 1, au Cameroun.
Au-delà des Personnalités ci-dessus énumérées,
les Organisations et Institutions qui se trouvaient ainsi représentées
comprenaient :
- L’Académie Africaine des Langues, en sa qualité
de structure spécialisée à vocation Panafricaine
;
- PRAESA de l’Université de Cape Town, en Afrique
du Sud;
- Université de Yaoundé 1, au Cameroun ;
- ANACLAC, au Cameroun ;
- Université d’Ibadan, au Nigéria.
Première Journée (9 Février 2004)
Dans son intervention, le Professeur Neville a exprimé
ses sentiments de remerciement et de profonde gratitude à
l’endroit des personnalités présentes qui
ont bien voulu faire le déplacement pour consacrer une
bonne partie de leur temps à ce projet qu’il considère
très important pour le développement du continent
africain. Il a ensuite abordé l’objet même
de la rencontre, à savoir la Relance du Plan
d’Action Linguistique pour l’Afrique, qui
constitue un élément important de la Renaissance
africaine. Faut-il rappeler que le Plan d’Action Linguistique
pour l’Afrique (PALA) fut adopté en 1986 à
Addis Abéba (Ethiopie) par les Chefs d’Etat et
de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité
Africaine (OUA).
En d’autres termes, il s’agissait d’une part,
de débattre de l’opportunité de revoir le
Plan sus cité et d’adapter sa mise en oeuvre aux
contexte et réalités du continent africain en
général et de chacun des Etats africains en particulier,
et d’autre part de mettre en place, de façon formelle,
un Comité de Pilotage pour la relance du PALA.
En guise de justification pour une telle adaptation, le Professeur
Neville a rappelé le contexte révolutionnaire
et anti-impérialiste qui caractérisait la politique
étrangère d’un grand nombre d’Etats
africains au lendemain des indépendances, une attitude
qui a prévalu dans l’élaboration de la Charte
Culturelle pour l’Afrique également adoptée
par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA
en 1976 à Port Louis (Ile Maurice). La Charte Culturelle
ainsi que le Plan d’Action ne semblent plus être
d’actualité.
Par ailleurs, un des objectifs visés par le PALA (TITRE
I alinéa d) était de « veiller à
ce que les langues africaines, grâce à une législation
appropriée et à une promotion pratique, assument
leur rôle légitime comme moyens de communication
officielle dans les affaires publiques de chaque Etat membre
pour remplacer les langues Européennes qui ont jusqu’ici
ce rôle ».
Compte tenu du contexte de mondialisation qui sous-tend aujourd’hui
les relations économiques, culturelles et linguistiques
entre les peuples, il est évident que cet objectif sera
très difficile, voire impossible, à mettre en
oeuvre, les langues Européennes héritées
de la colonisation faisant désormais partie du patrimoine
culturel des différentes populations africaines. Ainsi,
l’atelier visait à concevoir et élaborer
un cadre de mise en œuvre plus réaliste du PALA,
revu et adapté aux nouvelles réalités de
développement social et économique des Etats africains.
Le rôle prépondérant que l’Académie
Africaine des Langues serait amenée à jouer dans
la relance et la mise en œuvre du PALA a été
souligné à maintes reprises.
Tous les Centres et/ou Organisations, issus des pratiques
de décentralisation dans les différents Etats
africains devraient coordonner leurs efforts pour la promotion
des langues africaines. Il reviendrait alors à l’Académie
Africaine des Langues de coordonner et d’harmoniser les
activités de ces différentes structures au niveau
continental.
Le Professeur NEVILLE n’a pas manqué de souligner
la trop grande dépendance des structures chargées
des politiques de langues africaines des partenaires techniques
et financiers étrangers.
En conclusion, il a rappelé que l’intellectualisation
des langues africaines passera nécessairement par la
traduction des contes et autres œuvres littéraires
dans les langues africaines. Le Bulletin de l’ACALAN,
qu’il souhaiterait voir publié deux fois par an,
devrait être diffusé dans tous les Etats et surtout
dans toutes les structures de promotion et/ou de recherche sur
les langues africaines.
La première réaction à l’intervention
du Pr. NEVILLE fut celle du Président de l’Académie
Africaine des Langues. Il a tout d’abord remercié
les initiateurs de cet atelier pour l’invitation adressée
à son Institution. La relance du Plan d’Action
Linguistique pour l’Afrique, adapté au contexte
de la mondialisation, a-t-il souligné, était déjà
à l’ordre du jour au moment même de la création
de l’Académie Africaine des Langues. Certes, l’Organisation
de l’Unité Africaine a pris beaucoup d’initiatives
dans les domaines des langues et de la culture. Mais ces initiatives,
a-t-il regretté, n’ont pu être mises en œuvre.
Il s’agira donc de revoir les contenus de ces initiatives
dans les plus brefs délais afin de renforcer l’indépendance
culturelle du continent africain.
Le Directeur du Centre de Documentation de l’Académie
Africaine des Langues a attiré l’attention des
participants sur le fait que beaucoup d’Etats africains,
pris individuellement, se sont engagés dans des activités
d’aménagement linguistique qui ont, à ce
jour, très peu d’impact sur la promotion et la
valorisation des langues africaines. Aucune structure ou organisation,
a-t-il ajouté, ne saurait être spécialisée
dans tous les domaines relatifs aux langues. Un effort de complémentarité
s’impose donc à tous les Etats, surtout par rapport
aux langues transfrontalières. Il a terminé en
soulignant que les partenaires techniques et financiers ont
tendance à apporter leur appui dans les domaines de recherche
linguistique qui répondent à leurs attentes immédiates,
et de moins en moins à celles des Etats africains eux-mêmes,
d’où l’impérieuse nécessité
de l’autonomie financière des structures en charge
de la promotion des langues nationales, aussi bien au niveau
des Etats, qu’au niveau continental. Quant à l’état
d’avancement de l’alphabétisation fonctionnelle,
des efforts ont certes été consentis par les Départements
et Organisations en charge de ce volet, mais le handicap demeure
l’absence de littérature post-alphabétisation
à l’intention des néo-alphabètes,
a-t-il conclu.
Le Professeur Maurice TADADJEU a proposé que le présent
document, soumis à l’appréciation des participants,
soit adopté comme Document officiel de l’atelier.
La Relance du Plan d’Action Linguistique pour l’Afrique,
pourrait, a-t-il ajouté, être considérée
soit comme une composante, soit comme le répondant du
NEPAD. Il a été retenu qu’elle constituera
plutôt le répondant du NEPAD. Toutefois, le Projet
lui-même, une fois mis à jour, devra être
soumis à l’appréciation des instances politiques,
et mandat a été donné à l’Académie
Africaine des Langues dans ce sens.
Il a été confié aux Professeurs Maurice
TADADJEU de l’ANACLAC et Salam DIAKITE de l’Académie
Africaine des Langues de revoir et d’adapter le Plan d’Action
Linguistique pour l’Afrique, en vue de sa soumission au
Président de la Commission de l’Union Africaine
dans un bref délai.
Le financement de la participation à cet Atelier et
les problèmes liés au projet de l’ACALAN
de mise en place d’une structure de Traduction et d’Interprétation
ont également été débattus. Le Professeur
NEVILLE a expliqué qu’il a pu financer cet Atelier
grâce à des fonds qui provenaient d’une rencontre
précédente. Quant à la Traduction et l’Interprétation,
il a été souligné que l’ACALAN devrait
être la pièce maîtresse de ces activités
et assurer non seulement la traduction dans les langues transfrontalières
véhiculaires, mais aussi la formation de traducteurs
et d’interprètes dans les langues africaines et
européennes. Le Bulletin de l’ACALAN pourrait jouer
un rôle considérable dans ce domaine.
Le projet de Programme Inter-Université en Linguistique
Africaine a été exposé par le Professeur
Sammy CHUMBOW. Ce Programme, en construction, formera des linguistes
capables d’appliquer les théories linguistiques
aux langues maternelles. Il a été suggéré
de faire de ce Programme une CHAIRE au niveau de l’Université
de Yaoundé 1, où tous les étudiants inscrits
aux programmes de Master’s et Doctorat, pourraient se
retrouver dans des ateliers et séminaires bien ciblés.
L’utilisation des NTIC permettrait d’associer un
nombre plus important d’étudiants à travers
l’Afrique.
Le Professeur Maurice TADADJEU a exposé sur le Projet
de Communication par Satellite en Langues Africaines, initié
au cours d’une Conférence organisée à
Washington D.C. (USA).
Le dernier Projet dont il a été question concernait
la Terminologie. Le Professeur CHUMBOW en collaboration avec
BAKITA en Tanzanie, a été chargé de finaliser
ce Projet.
Deuxième journée (10 Février,
2004)
Cette deuxième journée a été consacrée,
en grande partie, au rôle que jouera l’Académie
Africaine des Langues dans la Relance et la Mise en Œuvre
du Plan d’Action Linguistique et des autres projets relatifs
à la promotion des langues africaines.
Dans son intervention, le Président de l’Académie
a tout d’abord rappelé les étapes qui ont
marqué la création de son Institution, depuis
Avril 2001. Le retard pris dans la mise en place effective de
cette structure comme Institution Spécialisée
panafricaine, a-t-il souligné, était dû
surtout à la transition de l’Organisation de l’Unité
Africaine (OUA) à l’Union Africaine. Le Projet
de Statuts de l’Académie Africaine des Langues,
adopté par la réunion des Experts Gouvernementaux
à Addis Abéba en février 2002, devra être
validé par une prochaine réunion des Ministres
compétents avant d’être soumis à l’adoption
finale par la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement de l’Union Africaine. Cette dernière
étape consacrera la naissance effective de l’Académie.
Il est donc urgent, a insisté le Président de
l’ACALAN, que cette réunion des Ministres se tienne
aussi tôt que possible.
Le Président de l’Académie a ensuite rappelé
les missions et les objectifs de l’ACALAN, avant de remettre
un exemplaire du Rapport Final de la Réunion des Experts
Gouvernementaux à chacun des participants. L’ACALAN,
a-t-il conclu, coordonnera et harmonisera la mise en œuvre
de la Relance du Plan d’Action Linguistique pour l’Afrique,
conformément à ses missions.
La première réaction à l’intervention
du Président de l’Académie est venue du
Professeur TADADJEU qui a estimé que l’ACALAN n’a
pas besoin d’attendre la validation finale de son projet
de statuts pour s’investir dans tous les problèmes
relatifs à la promotion des langues africaines en général,
et dans le projet de Relance du Plan d’Action Linguistique
pour l’Afrique.
A l’issue des travaux de l’Atelier, les participants
ont fait les recommandations suivantes:
- accélérer le processus de mise en
place de l’Académie Africaine des Langues;
- prévoir une ligne budgétaire pour l’Académie
Africaine des Langues
sur le budget de l’Union Africaine ;
- inviter l’Union Africaine à déclarer l’Année
2006 Année des Langues
Africaines ;
- mettre en place un Comité de Pilotage composé
de 9 Membres ;
- soumettre à une Réunion des Partenaires Techniques
et Financiers le Projet de
Relance du Plan d’Action Linguistique pour l’Afrique
(avec la participation des
Membres du Comité de Pilotage);
Concernant les trois premières Recommandations, il a
été demandé au Président de l’Académie
Africaine des langues d’adjoindre certains Membres du
Comité de Pilotage à la Mission qu’il envisage
de conduire auprès du Président de la Commission
de l’Union Africaine, en vue de lui soumettre des propositions
concrètes pouvant favoriser l’atteinte desdites
Recommandations.
Ainsi, les quatre Projets retenus dans le cadre de la relance
du Plan d’Action Linguistique pour l’Afrique devraient
désormais être considérés comme des
Priorités dont la mise en œuvre serait placée
sous l’égide de l’Académie Africaine
des Langues.
Acalan, Bamako, février 2004