N'est-ce
pas Amadou Hampaté Ba qui disait que de tous les éléments
qui caractérisent l'individu, du physique au vestimentaire,
c'est la langue qui demeure l'élément le plus
évident ?
C'est par la langue que nous exprimons nos pensées et
que nous communiquons avec d'autres. Elle nous permet, de ce
fait, de partager notre expérience culturelle. Notre
répertoire linguistique et notre choix des expressions
déterminent qui nous sommes, le lieu et les circonstances
du moment.
Parce qu'elle transcende l'individu en faveur de sa communauté,
la langue est par conséquent notre propriété
aussi bien que celle de notre culture. C'est bien par elle que
nous acquérons et transmettons notre savoir et notre
savoir faire qui permettent d'avoir une certaine emprise sur
notre milieu. Elle constitue à la fois l'élément
essentiel et le baromètre de notre développement.
Cependant, quatre décennies après les indépendances
politiques, le sort réservé aux langues africaines
ne fait que renforcer les inégalités face aux
connaissances scientifiques, techniques, et technologiques.
Ce rapport d'inégalité entre les langues officielles
héritées de la colonisation et les langues africaines,
loin de favoriser un meilleur partage des connaissances et des
pratiques modernes, hypothèque toute participation de
nos populations aux processus de prises de décisions
d'une part, et à l'amélioration de leurs conditions
de vie de l'autre. Ainsi donc, la fidélité aux
idéaux de l'O.U.A., l'appel pressant de nos peuples pour
un accès plus rapide et plus participatif à l'expression
écrite et à la démocratie véritable,
les exigences d'une stabilité sous régionale et
régionale pérenne, nous ont commandé la
création d'un instrument de développement de nos
langues, susceptible de favoriser et de renforcer la coopération
linguistique entre les Etats africains, et surtout, de promouvoir
l'harmonisation et la mise en uvre effective de politiques
de langues conformes aux aspirations de nos masses laborieuses.
Maintenant plus que jamais, il nous revient, à travers
l'Académie Africaine des Langues (ACALAN), de créer
les conditions permettant aux langues africaines, notamment
les langues transfrontalières, de devenir véritablement
des langues de travail opérationnelles. En d'autres termes,
il s'agit de faire en sorte que les femmes et les hommes qui
parlent ces langues puissent les écrire et les utiliser
en toute occasion, ce qui constitue, sans aucun doute, une garantie
de renforcement des capacités et de démocratie.
Les peuples africains ont toujours vécu leurs langues
et leurs cultures. L'Académie Africaine des Langues sera
l'instrument décisif de la libération totale du
continent et de la reprise de l'initiative par les populations.
Elle contribuera à la diffusion d'une vision dynamique
des langues, véhicules de cultures et de valeurs morales,
socle des sociétés africaines et facteurs incontournables
d'intégration, de paix et de développement endogène
durable dans une perspective de partenariat équilibré
et dynamique avec les langues héritées de la colonisation.
Il est grand temps que l'Afrique cesse d'être le seul
continent où quand l'enfant va à l'école,
il est obligé d'accéder à la connaissance
et à la science dans une autre langue que celle qu'il
parle dans sa famille !.
Il est grand temps que le justiciable puisse avoir, partout
où ce n'est pas encore le cas, accès à
la justice dans sa langue, et ne soit plus agressé par
le système d'interprétariat hérité
de la colonisation !
Enfin et surtout, il est grand temps que l'Afrique parle
d'abord aux Africains, et d'abord africain ! Ainsi, une partie
importante du rêve des grands panafricanistes et des pères
des indépendances africaines sera-t-elle réalisée
!
Les enjeux sont clairs, les défis à relever bien
identifiés, il s'agit de trouver des réponses
appropriées à la problématique de la promotion
des langues africaines, voie sûre, rapide, économique
et directe pour améliorer les conditions de vie de nos
populations. C'est ce que se propose de réaliser l'Académie.
Initiative du Président de la République du Mali,
chaleureusement saluée par ses pairs, la naissance de
l'Académie Africaine des Langues est donc à l'intersection
de la lutte pour la Renaissance du continent africain dans le
cadre de son unité d'une part, et de la confiance en
la capacité des peuples africains à assurer leur
plein épanouissement dans la paix et la coopération
avec tous les peuples du monde, d'autre part.
Plus qu'un simple outil d'information et de sensibilisation,
ce site qui est le vôtre, vous permettra, nous l'espérons,
de vous approprier les objectifs et les missions de l'Académie
et de profiter de cet espace pour valoriser et faire rayonner
les langues et la culture africaines.
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